samedi 12 février 2011

mardi 1 février 2011

Rouge


Rouge.
Comme celle-là.
Désormais, dans la foule, mes yeux sont irrésistiblement attirés par le rouge. Un morceau de tissu écarlate qui enveloppe un cou et aussitôt, je le regarde.
Pourtant je sais qu'il n'est pas là. Je l'ai vu partir dans l'autre sens, prendre une autre ligne. Il ne peut physiquement pas être ici. Mais je ne peux pas m'en empêcher : mes muscles bougent tout seuls. Du rouge et d'un coup, une étincelle d'espérance.
C'est bête et nocif.

Ne serais-je donc jamais libre ? Ne puis-je être comme mes compagnons ? Je suis condamnée à ressentir chaque année des tourments, de plus en plus violents.
C'est comme une drogue : paisible, l'esprit apaisé, puis la piqure, le shoot et c'est le septième ciel dans une escalade de désir et d'espérance si rapide qu'elle est toujours douloureuse. Puis lorsqu'il se dérobe à ma vue, c'est les tréfonds de l'enfer qui m'accueillent. Les deux revers de la pilule en un peu moins de deux heures. L'extase, le bonheur absolu, son climax agrémenté de la plus tendre souffrance, puis la chute, brusque et sombre.
Plus je le vois et plus je souffre. Plus je cherche à l'apercevoir, à m'imprégner de son image et plus la séparation entre fantasme et réalité diminue. Je l'ai observé, à la dérobée et dans la pénombre, détaché de toute enveloppe autoritaire. Comme si je regardais par le trou d'une serrure. Et ce que j'ai vu m'a réjoui tout en gravant dans mes chairs ma destinée maudite.
Pourquoi ?
Une légère piqure d'aiguille dans mon cerveau. Une marque fine, semblable à toutes celles que l'on reçoit en début d'année. Mais elle s'est infectée, plaie vicieuse. Les sucs de mon crâne ont rongé la plaie, devenant un trou gigantesque qui ne cesse jamais son expansion. C'est toute la masse gélatineuse qui palpite, irritée par ses propres substances. Un cœur qui bat, lourd, éprouvant, constant, un gémissement lancinant. Et des aiguilles, qui se plantent d'un coup dans les nerfs, des soubresauts de douleur, brefs, vifs. Oh comme je voudrais l'arracher ! Déchirer cet abcès purulent, cette poche qui s'est remplie de pus et l'extirper de sa boîte d'os. Le jeter à terre, et, le front creux, éteint, fièrement avant de courber la nuque et de tomber à genoux, proclamer haut et fort "je n'aime plus".
Mais j'aime ! Oui aimer ! Non que dis-je aimer ? idolâtrer ! Point Junie. Mais un homme, un Dieu, une créature si parfaite qu'elle ne devrait exister sur cette terre fangeuse. Une image, une chose si irréelle, toute droite sortie de cette imagination maladive et hallucinée. Non il ne peut exister. Comment pourrais-je être la seule à percevoir tant de beautés ? La seule à souffrir de mille maux face à son statut céleste et hors d'atteinte. Oui la douleur, quasi physique. Mon corps entier hurle en silence, se tend d'un seul mouvement lorsqu'il est ici. Mais jamais, jamais, jamais je ne pourrais le toucher, ne serait-ce qu'effleurer l'épiderme qui recouvre son doigt. J'ai mal. Je lutte. Ça ne sert à rien.
La passion et la folie isolent : je suis engluée de ma peur, jalouse jalouse jalouse de les voir lui parler aussi naturellement. Ne voyez-vous donc pas que c'est un ange ?! Comment pouvez-vous l'approcher et agir normalement, comme s'il n'était qu'un homme ? Mais moi aussi, je le perçois maintenant comme un simple mortel. Il semble si... humain. Comme s'il suffisait de tendre la main pour sentir la résistance du tissu de son manteau. Et mes espoirs enflent. Tu peux l'atteindre ! Qui sait ? Mais non, aussitôt qu'il est hors de vue, je sais qu'il reste au-dessus de tous, et surtout de moi. Condamnée à la folie en secret.
Jusqu'à ce que, ses yeux gorgés de mépris, il m'assène la gifle de la réalité, sans remord.
Peut-être que je ne m'en relèverais pas.
Ce serait mieux.