dimanche 19 décembre 2010

De la liberté des livres

"Je lis des vieux livres parce que les pages tournées de nombreuses fois et marquées par les doigts ont plus de poids pour les yeux, parce que chaque exemplaire d'un livre peut appartenir à plusieurs vies. Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les emporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l'étagère."

Erri De Luca, Trois chevaux

samedi 18 décembre 2010

Ex-libris

J'aime être à la bibliothèque, au milieu de tous ces livres. J'aime ressembler à l'archétype de l'hypokhâgneuse qui flâne dans les rayons pour feuilleter d'obscurs livres sur la Révolution. J'aime qu'on pense que mes pansements aux doigts soient le résultat de multiples coupures avec les pages. Comme si je m'abreuvais trop de ces phrases et que ma vie se résumait à lire. Comme si ces cloques venait du frottement brûlant entre la peau et le grain du papier. Comme si le coin des pages m'ouvraient les chairs.
Alors que c'est la vulgaire tranche en carton d'un vulgaire emballage de pizza qui m'a blessé et que mes brûlures ne sont que la conséquence de la rencontre de mes doigts avec les résistances du four.

J'ai encore des progrès à faire...

Sereine

Samedi, il fait nuit et il neige. Beaucoup. De gros flocons bien épais qui brouillent la vue et se coincent dans les cils. En 10 minutes la route est déjà recouverte d'un épais tapis qui glisse et grince sous les pieds.
Récapitulons :
Samedi
1è jour des vacances de Noël
La veille, fête d'anniversaire qui s'est terminée bien tard.
Aujourd'hui pas grand-chose à faire : ranger, manger, flâner sur des blogs hypo et khagneux.
Il est 18h30, je reviens de la bibliothèque, Goethe en VO dans la besace.
Il fait nuit.

Vraiment, je n'arrive pas à me dire que j'ai le droit de glander. Que n'avoir rien fait aujourd'hui n'est pas un crime. Après une semaine et demi de concours blanc, j'ai toujours l'impression qu'une épreuve m'attend au tournant. Ça doit être ça la sensation d'être en hypokhâgne : toujours se demander s'il n'y a pas quelque chose qu'on a oublié de faire. Et non, je ne me sens pas particulièrement en vacances. Ou plutôt, je n'ai presque pas envie d'en avoir. J'ai presque envie de retourner en cours lundi, de nouveau subjuguée par Dx, puis suer pour réussir à comprendre le cours de philo. Être avec les autres, flâner de tables en tables à la pause pour discuter, se glisser en douce sur le toit pour regarder les collégiens qui, tout en bas, 6 étages en-dessous, jouent en braillant.
Presque.
Disons que oui, j'ai envie d'être en cours, mais je suis aussi heureuse d'avoir deux semaines de temps libre pour lire, enfin ! La version bilingue d'Hamlet traîne sur mon bureau depuis presque trois semaines, lire du Goethe me semble de plus en plus séduisant et je brûle d'envie de relire Le Cid. Et oui, je l'admets, je suis heureuse d'avoir du temps pour prendre de l'avance.
Oui oui vous avez bien lu : prendre de l'avance. Parce que se retrouver la veille de ses concours blanc à débuter les révisions, plus jamais. Promis.
Vacances studieuses sous la neige.

jeudi 16 décembre 2010

Larmes

Aujourd'hui, c'était concours blanc d'histoire.
Aujourd'hui, il y en a une qui est partie en larmes.
Vraiment.
Elle a apporté sa copie, l'a posée sur l'estrade, puis a tourné les talons en essayant d'étouffer ses sanglots.
Tout le monde l'a regardé, le prof y compris, dans un grand silence. Puis on est tous revenus à nos feuilles, sans échanger un regard. C'était vers la moitié de la deuxième heure.

Je me suis jurée de pas pleurer cette année.
Aucun sanglots convulsifs de stress, aucune larme de tristesse, aucune goutte humide au coin de l'oeil. Niet. C'est à cause du prof de géo d'ailleurs : M.Bat nous a assuré que cette année allait être dure, qu'on allait balancer nos livres par terre et qu'on allait pleurer. Et là, je sais pas vraiment pourquoi, mais je me suis jurée de ne pas pleurer. En tout cas, de ne pas verser une larme en rapport avec l'hypokhâgne.

Je m'y suis tenue. A deux exceptions près, mais qui sont mineures : de vraies larmes lorsque j'ai appris qu'une amie quittait l'hypo pour la fac, mais cela ne rentre pas vraiment dans la catégorie des larmes à propos de l'hypo; puis un début de sanglot en sortant de khôlle de philo, que j'ai bloqué d'un coup en me souvenant de ma promesse. Techniquement, les larmes n'ont pas coulées, mon sanglot n'a été qu'esquissé. Mais je me rends bien compte que j'ai failli lâcher prise, environ trois mois après ma décision.
C'est la première fois que je fais ce genre de promesse et c'est la première fois que je m'y tiens vraiment. Avant mes khôlles, je savais que j'allais rater, mais j'avais surtout peur de pleurer. D'avoir ce foutu poignard dans la gorge qui vous interdit de dire un mot, d'avoir cette stupide larme qui brille dans les cils. Je ne voulais surtout pas pleurer. Pour ma future khôlle de litté, devant mon bien aimé Dx (béni soit-il), je n'ai qu'une peur : céder devant son mépris. Je sais que je vais m'en prendre plein la tête, que je vais passer pour la plus profonde des idiotes et qu'il va me le dire, bien en face. Mais rien ne garantit que je ne vais pas céder sur le moment. Se faire descendre par son Dieu, ça doit être très douloureux...
Mais je ne veux surtout pas pleurer. Je veux tenir ma parole, comme pour montrer fièrement à M.Bat que moi non, je ne fais pas ce genre de choses, moi je suis forte et droite. Que même si je suis mauvaise en géo je garde mon calme et je ne désespère pas.
Oui c'est stupide. Jamais je n'irais le voir à la fin de l'année pour lui annoncer toute fière : "vous savez je n'ai pas pleuré".

Mais quand même.
Je ne pleurerai pas.

mercredi 15 décembre 2010

Werther et Valmont, Scène 1, première partie

Aujourd'hui Werther est un peu inquiet.
La veille il a surveillé des élèves en compagnie de la professeur d'anglais. Et il n'en garde pas un très bon souvenir. C'est une femme charmante, vraiment, mais, comment dire ? difficile de la supporter plus d'une heure. Extrêmement organisée, ou en tout cas c'est ce qu'elle voulait faire paraître, et du coup très pointilleuse sur le déroulement de l'épreuve. Sans compter qu'elle avait passé près d'une demi-heure non-stop à lui expliquer en long, en large et en travers pourquoi elle était agacée du comportement des élèves, qui, au fond, n'avaient fait que sortir à plusieurs pour aller aux toilettes.
Or aujourd'hui, il est de nouveau de surveillance et qui plus est, toujours avec la professeur d'anglais. Heureusement il ne sera pas seul : il semblerait que le professeur de littérature et la professeur d'espagnole se joignent à eux. Il espère qu'ils arriveront à occuper un peu l'anglaise pendant qu'il se glissera dans un coin pour travailler...

Lorsqu'il arrive, ils ne sont en fait que deux. L'anglaise donc, déjà tout agitée à répartir des feuilles de brouillons sur les tables, et l'espagnole, petit femme grise qui s'agite tout autant que sa collègue. Le temps de poser son sac, d'empoigner un paquet de copies et voilà le littéraire qui arrive. Pendant que Werther répartit les feuilles sur les tables, l'autre a à peine le temps d'enlever son manteau que l'anglaise lui saute dessus et engage une explication longue comme le bras pour le persuader que répartir feuilles, brouillons et sujets à l'avance c'est quand même beaucoup plus pratique. Jugeant que sa collègue doit être partie pour un discours assez long, le jeune allemand se désintéresse de la situation et s'applique dans sa tâche : l'espagnole devient de plus en plus fébrile, il ne faudrait pas qu'il se trompe quelque part.
Alors qu'il arrive vers le fond de la salle, le voilà nez à nez avec son collègue littéraire, lui aussi avec un paquet de copies sous le bras. Apparemment il s'est libéré bien vite de l'emprise de l'anglaise. Il le salut d'un sourire poli mais retourne quasiment tout de suite à sa distribution de feuilles, laissant Werther un peu seul avec son "bonjour" coincé dans la gorge. Le littéraire n'a pas l'air très guilleret ce matin. D'ailleurs, le petit tapis de poil qui orne ses joue le fait un peu passer pour un ours pas très matinal. Jusqu'à lors, il ne l'avait croisé qu'une fois dans les couloirs et dans ses souvenirs, il ressemblait plus à un homme assez distingué ou en tout cas qui prenait le soin de se raser avec application. Le littéraire devait sûrement retourner à l'état sauvage lorsqu'il était seul chez lui, face à ses copies...

Mais il est déjà huit heures moins deux et il est grand temps de faire rentrer les élèves. Werther n'a que le temps de rejoindre l'estrade avant que la marée de khâgneux et d'hypokhâgneux ne se déverse dans la grande salle.

(A suivre...)

mardi 14 décembre 2010

Le début

Et voilà, à nouveau je commence quelque chose que je ne pourrais jamais finir, ni même continuer. L'inconstance, c'est mon métier. Mais peut-être qu'en être consciente, que partir défaitiste changera enfin les choses ? En tout cas voilà, j'essaye vainement de (re)prendre ce blog en main.

De un, parce que je crève d'envie d'écrire et que je n'y arrive pas. Que je vois tous ces gens dans mon entourage qui se lancent et ne se débrouillent pas si mal alors qu'au fond je me dis : "mais non bordel ! c'est moi qui écrit depuis que je suis rasibus ! c'est moi ici qui sait écrire !" Mais à force d'attendre et de se dire : oui oui, un jour, quand j'aurai un sujet bien, pas trop égocentrique, pas trop triste, pas trop con, j'écrirai. Non. L'écriture se travaille, ça je le sais très bien, j'en ai fait l'expérience. Je dois m'y mettre. Graver dans ces petits pixels l'évolution de ce foutu style bordélique et enfin savoir quoi écrire et comment. Il est temps.

De deux, parce qu'il y a trop de choses qui me passent par la tête. Vraiment trop. Des choses que je brûle d'envie de partager, mais surtout de faire ressentir aux autres, de leurs faire comprendre ce que je ressens et qu'ils comprennent ce que ça fait. Parce que punaise, s'il y a bien quelque chose dont je suis certaine, c'est que je suis un putain de puzzle. Un truc jamais totalement uni, toujours entrain de se défaire et de se refaire. J'ai envie de montrer ça pour que je puisse me comprendre, moi. Parce que je me perds en moi-même, noyée dans tout ce bordel liquide. Le psy c'est trop cher et il me semble que je suis assez sensible aux caractéristiques humaines pour pouvoir m'analyser seule.

Alors voilà, on y va.